1831-1933 – Apogée et persistance du compagnonnage chez les tisseurs stéphanois

Le compagnonnage est une forme d’acquisition des savoirs professionnels, spécifique aux métiers manuels. Cette initiation professionnelle, basée sur la transmission à l’atelier de connaissances non seulement pratiques, mais aussi de nature théorique, se développe en France tout au long de l’époque moderne. Elle instaure, à l’issue d’un apprentissage réalisé auprès d’un maître, un véritable perfectionnement auprès d’autres artisans.

La formation compagnonnique est ainsi autant une socialisation qu’une instruction. Elle s’oppose en partie aux logiques juridiques et fonctionnelles des corporations d’Ancien Régime. En particulier, elle prévoit une mobilité autant géographique que professionnelle.

La reconfiguration des régulations des mondes du travail, initiée par l’éphémère édit de Turgot en février 1776, actées par les lois d’Allarde et Le Chapelier (mars et juin 1791), vise autant à améliorer l’accès des compagnons à la maîtrise, débarrassée des privilèges et monopoles, qu’à empêcher l’action de corps intermédiaires hostiles aux politiques gouvernementales[1].

Cette orientation, favorable à la liberté du travail, est renforcée par l’arrêté du 9 frimaire an XII (1er décembre 1803) qui, en assignant un livret pour chaque compagnon, cherche à prémunir contre toute coalition ouvrière, ainsi qu’à contrôler les travailleurs.

Ces contraintes législatives n’entravent pourtant pas l’extension du compagnonnage au cours de la première moitié du XIXe siècle. Des récits autobiographiques, notamment ceux d’Agricol Perdiguier ou de Martin Nadaud, relatent les spécificités de l’univers compagnonnique, au risque de quelques écarts avec la réalité[2].

La matrice du syndicalisme français

Le compagnonnage, longtemps associé à la pratique du « tour de France », est aujourd’hui connu par le prisme de la préparation du chef-d’œuvre. Sa vocation est cependant plus vaste à l’époque. Bien qu’illégale, l’association compagnonnique s’avère la principale forme d’organisation des travailleurs et de défense de leurs intérêts. Elle permet l’expression de revendications tarifaires ou la mise en œuvre d’une prévoyance mutuelliste.

Le compagnonnage est à l’œuvre lorsque surviennent quelques-uns des principaux mouvements sociaux, entre 1830 et 1848. En particulier, les deux grandes révoltes des canuts lyonnais, en 1831 et 1834, sont animées par deux organisations[3].

La première est la Société du devoir mutuel, fondée à Lyon en 1828. Elle se compose avant tout de chefs d’ateliers. La seconde est l’Association des compagnons tisseurs-ferrandiniers du devoir, créée en 1831 ou 1832. Cette dernière regroupe, comme son nom l’indique, des ouvriers compagnons.

Les deux sociétés, secrètes car interdites, interdites car liées aux milieux républicains, possèdent également des membres dans l’agglomération de Saint-Étienne. Si elles ne représentent pas, loin s’en faut, les uniques corps de métiers concernés par le compagnonnage – il faut y ajouter les travaux du bois, de la pierre, des métaux, des cuirs et peaux, ainsi que les métiers de bouche –, les sociétés de tisseurs constituent cependant ses composantes les plus emblématiques dans la région.

Certificat de compagnon, lithographie, 69,5 x 47,5 cm, par Jean-Baptiste Bourguet et Pinsard (lithographe-imprimeur), Saint-Étienne, entre 1850 et 1875. Collection Mucem (Marseille).

Jean-Baptiste Bourguet (1827-1900), parfois orthographié Bourguel, est un compagnon tisseur-ferrandinier originaire de Saint-Étienne. Connu sous son nom de compagnon, Forézien Bon Désir, il est l’auteur de plusieurs lithographies.

De l’apogée au lent reflux du compagnonnage stéphanois

À côté des confréries, forme d’organisation déjà l’œuvre sous l’Ancien Régime, les deux organisations compagnonniques animent le mouvement ouvrier stéphanois. Celles-ci s’associent en 1833, afin de revendiquer l’établissement d’un tarif. Celui-ci contraindrait les fabricants de rubans à rémunérer les passementiers au moins deux francs par journée de travail[4].

Les compagnons revendiquent également la suppression d’une coutume contraignant les chefs d’ateliers passementiers à fournir au fabricant treize aunes de tissus, dès lors que douze leur étaient payées.

La résistance des fabricants, soutenus par le sous-préfet, nourrit une forte tension, qui s’étend jusqu’en avril 1834. La grogne des passementiers stéphanois n’atteint cependant pas le degré de résolution de leurs homologues lyonnais.

Centenaire des Compagnons Tisseurs-Ferrandiniers du Devoir de Saint-Etienne, 1931, document conservé dans C.-L. Valette, Le compagnonnage, manuscrit déposé à la médiathèque municipale de Saint-Étienne.

La célébration du centenaire de la fondation de l’organisation compagnonnique, en 1931, ne correspond pas à la date généralement retenue par les historiens pour sa fondation, à savoir 1832.

L’Association des compagnons-ferrandiniers constitue ainsi, malgré l’interdiction théorique des coalitions ouvrières, un véritable syndicat avant l’heure. Elle est aussi à l’origine de la fondation de la Société industrielle et de secours mutuel des chefs d’ateliers et des ouvriers rubaniers, au cours de l’année 1848. La solidarité compagnonnique est alors à son paroxysme.

L’industrialisation, favorisant la mécanisation et le développement du cadre usinier, restreint ensuite l’attrait du compagnonnage, surtout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Les causes de son déclin relatif sont multiples[5].

L’un des facteurs repose sur l’importance de la composante familiale dans l’organisation socio-économique de la fabrique. Le recrutement de compagnons devient trop coûteux, contrairement à l’emploi des épouses ou des enfants.

Les nouvelles conditions économiques diminuent également l’attractivité du métier de passementier. Les chefs d’ateliers demeurent théoriquement indépendants, mais dépendent des conditions proposées par les fabricants.

Il faut aussi mettre en avant, après la loi de 1864 sur le droit de coalition, et surtout celle de 1884, l’émergence d’un syndicalisme passementier. Celui-ci prend plusieurs formes : chrétienne, révolutionnaire, de métier[6].

Certains éléments symboliques du compagnonnage, empruntant en partie aux rites de la franc-maçonnerie le phénomène n’est d’ailleurs pas à sens unique , peuvent, peut-être, constituer une dernière cause du recul de ces organisations, dans une région où subsiste un fort attachement au catholicisme[7].

Toujours est-il que, dans les premières années du XXe siècle, l’Association ne réunit qu’une cinquantaine de membres[8]. En septembre 1902, son président, Jean-Baptiste Verrier, sollicite l’autorisation de former un Cercle des compagnons tisseurs[9]. Celui-ci s’ajoutera au pôle compagnonnique concentré dans le quartier de Tardy-Montferré, notamment le long de la rue des… Ferrandiniers !

La demande est acceptée par le maire Jules Ledin, ancien meneur des passementiers stéphanois lors de la grève de 1899-1900. Cette fondation illustre cependant la dimension désormais plus sociale, voire récréative, que syndicale du compagnonnage en ce début de siècle.

Statuts de l'Association des compagnons tisseurs-ferrandiniers du devoir de Saint-Étienne, 1924, extraits (Archives départementales de la Loire, 4 M 367).
La fondation tardive d’une association officielle

La mise en place d’un cercle pose cependant problème à une organisation ayant longtemps subsisté sous la forme d’une société informelle : elle ne permet pas de bénéficier du soutien financier des collectivités. C’est probablement dans ce sens qu’il faut interpréter la création, en 1924, d’une association placée sous le régime de la loi de juillet 1901[10].

En mai 1924, les statuts de l’Association des compagnons tisseurs ferrandiniers du devoir de la ville de Saint-Étienne et de sa banlieue sont officiellement déposés[11]. Le premier bureau officiel de l’institution se compose d’un employé de fabrique, Louis Faure (président), et de trois tisseurs : Jean Roux (vice-président), Pierre Chosson (trésorier), Émile Grivaud (secrétaire) et Pierre Fournier (secrétaire-adjoint).

Dès son sous-titre, l’association précise son objectif traditionnel : « la défense et le perfectionnement de l’apprentissage ». La création officielle suit, de cinq années, la loi Astier de 1919 imposant théoriquement aux apprentis de suivre des cours professionnels. Les deux événements n’ont cependant pas de rapport direct. L’organisation n’apparaît pas dans les discussions du comité départemental de l’enseignement technique, du moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Peut-être, seulement, les compagnons se soucient-ils de maintenir une institution menacée, face à la socialisation spécifique que représente l’apprentissage à l’école. Une autre piste est la fondation, en cette même année 1924, du concours national des meilleurs ouvriers de France, cependant porté, lui aussi, par le sous-secrétariat d’État à l’Enseignement technique[12].

Photographie de groupe de la Fédération compagnonnique de la Loire, 21 novembre 1926. Photographie de D. Maillon, conservée dans le manuscrit de C.-L. Valette. On reconnait, au centre de l'image, Louis Soulié, maire de Saint-Étienne.
Émile Grivaud, secrétaire de la Fédération compagnonnique de la Loire et de l'Association des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne, photographié en tenue.
Émile Grivaud, secrétaire de la Fédération compagnonnique de la Loire et de l'Association des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne, photographié en tenue.
Dos de la photographie d'Émile Grivaud, en réalité une carte postale. Celle-ci est adressée par l'auteur à Claude-Louis Valette, en date du 14 janvier 1931.

Claude-Louis Valette, premier secrétaire de l’association des Amis du Vieux Saint-Étienne, s’est intéressé à la question du compagnonnage.

L’un de ses manuscrits déposés à la médiathèque municipale de Saint-Étienne (cote MS E239), contient de nombreux documents, iconographiques ou textiles, ainsi que des lettres et autres sources d’époque. Ceux-ci lui ont été transmis notamment par Émile Grivaud, dans le but de préparer une conférence, dont une partie est retranscrite dans le manuscrit.

Grivaud est, de son côté, l’auteur d’un article intitulé « Le compagnonnage dans la Loire », publié dans l’Almanach laïc de la Loire pour 1936 (périodique également conservé à la médiathèque).

Le principal animateur des organisations compagnonniques en région stéphanoise est Émile Grivaud, autrement dit Forézien Cœur Affable. Il demeure, jusqu’au début des années 1950, le secrétaire, puis le président, de l’association des Ferrandiniers. Grivaud est également, au cours des années 1920 et 1930, secrétaire de la Fédération compagnonnique de la Loire.

La présidence de l’association change cependant de titulaire. En 1925, Joannès Preynat est désigné par ses pairs[13]. En 1929, Pierre Chosson lui succède[14].

Le « citoyen » Louis Soulié, maire républicain-socialiste de Saint-Étienne, est membre d’honneur des Compagnons Ferrandiniers du Devoir[15]. Ses liens avec l’association se traduisent, par exemple, par le choix de donner le nom d’Agricol Perdiguier, grande figure compagnonnique, à une rue de la ville, par une délibération du conseil municipal datée du 4 novembre 1927.

Il faut toutefois attendre le 15 octobre 1933 pour que la rue soit officiellement inaugurée[16]. Un défilé et un banquet sont alors organisés. L’événement est, en tout cas, postérieur au centenaire des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers de Saint-Étienne, célébré le dimanche 11 octobre 1931.

La dimension récréative de la solidarité compagnonnique tend à dépasser, dans ses manifestations publiques du moins, la vocation de perfectionnement et d’échanges de l’association. Celle-ci, officiellement, « ne comporte aucune idée politique, elle n’est qu’une société professionnelle d’études fondée depuis 4 ans »[17]. Le local de la rue des Ferrandiniers abrite une salle de billard, ainsi qu’un jeu de boules en extérieur.

Menu tissé du centenaire des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne, 11 octobre 1931. Document contenu dans le manuscrit de C.-L. Valette, Le Compagnonnage.
Menu tissé du centenaire des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne, 11 octobre 1931. Document contenu dans le manuscrit de C.-L. Valette, Le Compagnonnage.

En 1951, l’Association des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne et de sa banlieue devient l’Association des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir et des Compagnons du Tour de France de la ville de Saint-Étienne. Signe probable du lent déclin de la rubanerie stéphanoise, elle cesse d’exister au tournant des années 1950 et 1960. L’organisation laisse alors la place à une simple maison de l’Association des Compagnons du Devoir du Tour de France.

Cette transition se marque aussi par un investissement accru dans la formation méthodique des apprentis, notamment dans les métiers du bois ou de la pierre. L’histoire du compagnonnage demeure jusqu’à nos jours, même si sa composante ferrandinière a perdu, de longue date, son importance.

 

Antoine VERNET

Photographie de groupe prise lors du centenaire des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers de Saint-Étienne, 11 octobre 1931. Cliché Studio Philippe Ratais.

Notes

[1] François Icher, Les compagnons ou l’amour de la belle ouvrage, Paris, Gallimard, 1995 ; Steven L. Kaplan, La fin des corporations, Paris, Fayard, 2001 ; Alain Cottereau, « La désincorporation des métiers et leur transformation en publics intermédiaires : Lyon et Elbeuf, 1790-1815 », dans Stephen L. Kaplan et Philippe Minard (éd.), La France, malade du corporatisme ? XVIIIe-XXe siècles, Paris, Belin, 2004, p. 97-147 (une version remaniée, datée de 2014, est consultable en ligne).

[2] Agricol Perdiguier, Mémoires d’un compagnon, Paris, éditions Maspero, 1977 (1ère édition 1854) ; Martin Nadaud, Mémoires de Léonard, maçon de la Creuse, Paris, éditions Maspero, 1976 (1ère édition 1895).

[3] Fernand Rude, Les révoltes des canuts (1831-1834), Paris, La Découverte, 2007 (1re éd. 1982).

Le terme « ferrandine » désigne une étoffe légère associant une chaîne en soie et une trame en laine.

[4] Brigitte Reynaud, L’industrie rubanière dans la région stéphanoise (1895-1975), Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1991, p. 30. Les récits les plus complets sur les événements de 1834 sont consignés dans : Stanislas Bossakiewicz, Histoire générale chronologique, administrative, biographique et épisodique de Saint-Étienne depuis les origines jusqu’à nos jours, La Fère, Société anonyme d’imprimerie La Féroise, 1905, p. 148-155 ; Étienne Fournial, La Grand Républicain Tristan Duché 1804-1865. Représentant du Peuple et Proscrit, Firminy, Les Amis de Tristan Duché, 1990, p. 22-25.

Fernand Rude cite également un ouvrage intitulé Relation historique des événements de Lyon, du 5 au 17 avril, avec un précis des troubles qui ont éclaté à la même époque dans plusieurs villes, et notamment à Saint-Étienne et à Paris (Paris, Chassagnon, 1834), signé A. D., dont le seul exemplaire connu est conservé à la BnF. Il faudrait cependant vérifier que son contenu traite substantiellement du mouvement stéphanois, ce qui n’est pas le cas, malgré un titre trompeur, de la brochure anonyme Relation complète des événements qui se sont passés à Lyon, à Paris et à Saint-Étienne, pendant le mois d’avril 1834 (Lyon, Impr. de J.-M. Boursy, 1834). Peut-être, les deux références ne sont que les éditions parisienne et lyonnaise d’un même texte…

[5] Yves Lequin, Les ouvriers de la région lyonnaise 1848-1914, tome 1, La formation de la classe ouvrière régionale, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1977, chapitre IV, « Les ouvriers de Lyon : de la « fabrique » à l’automobile ».

L’importance des rixes compagnonniques, notamment entre les ferrandiniers et la société rivale des Marpeaux, n’a probablement pas joué dans cette désaffection (Claude Chatelard, Crime et criminalité dans l’arrondissement de St-Étienne au XIXème siècle, Saint-Étienne, Centre d’études foréziennes, 1981, p. 85 et 363).

[6] Brigitte Carrier-Reynaud, « L’identité des passementiers stéphanois », dans Nadine Besse (dir.), Le ruban, c’est la mode, catalogue d’exposition du Musée d’art et d’industrie de Saint-Étienne, Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2016, p. 85-92.

On peut citer, parmi ces fondations syndicales, la Chambre syndicale des chefs d’ateliers rubaniers (1878), la Chambre syndicale des ouvriers et ouvrières passementiers et tisseurs réunis (1879), la Corporation chrétienne des tisseurs stéphanois (1887), la Ligue pour le relèvement des salaires (1898), ainsi que le Syndicat général des tisseurs de la Loire et de la Haute-Loire, adhérant à la CGT (1912).

[7] Si l’opposition de l’Église catholique à la franc-maçonnerie n’empêche pas l’initiation de croyants, sa condamnation sans équivoque limite cependant cette pratique, surtout lorsque l’affermissement de la Troisième République se réalise.

Sur la situation régionale, je renvoie le lecteur aux travaux de Daniel Mandon (Les barbelés de la culture. Saint-Étienne ville ouvrière, Lyon, Federop, 1976, partiellement republié dans La question laïque. Les chocs culturels stéphanois, Saint-Genest-Malifaux, Éditions TV and CO, 2010) et de Jacky Nardoux (La Franc-Maçonnerie forézienne. Des origines à la Monarchie de Juillet 1745-1831, Roanne, auteur, 1999 ; L’Industrie, 1861-2011, histoire d’une loge maçonnique stéphanoise, Saint-Étienne, Les Amis de L’Industrie, 2011 ; « Les trois siècles de la Franc-Maçonnerie stéphanoise », Saint-Étienne Histoire & Mémoire, n°272, 2018, p. 3-16).

[8] Brigitte Reynaud, op. cit., p. 84.

[9] Archives municipales de Saint-Étienne, 6 F 39, lettre du président de la Société des compagnons tisseurs ferrandiniers du Devoir Jean-Baptiste Verrier au maire de Saint-Étienne Jules Ledin, 6 septembre 1902, et note du maire au commissaire central de police de la ville, 9 septembre 1902.

[10] Délibération du conseil municipal de Saint-Étienne, 6 octobre 1924, demande par les Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir. Une somme de 600 francs leur est allouée.

[11] Archives départementales de la Loire, 4 M 367, lettre du bureau de l’Association des compagnons tisseurs ferrandiniers du devoir de la ville de Saint-Étienne et de sa banlieue, 24 mai 1924.

[12] Stéphane Lembré, « L’invention du concours des “meilleurs ouvriers de France” (années 1920-1930) », Genèses, n°103, 2016, p. 29-48.

[13] Archives départementales de la Loire, 4 M 367, lettre du secrétaire Émile Grivaud au préfet de la Loire, novembre 1925. L’assemblée générale du 11 octobre 1925 nomme le bureau suivant : Joannès Preynat président, Jean Roux vice-président, Pierre Chosson trésorier, Émile Grivaud secrétaire, Pierre Grivolla secrétaire adjoint, Jacques Pascalon, Jean-Baptiste Courbon, Adolphe Garden et Louis Faure membres du conseil.

[14] Archives départementales de la Loire, 4 M 367, lettre du secrétaire Émile Grivaud au préfet de la Loire, 15 novembre 1929. L’assemblée générale du 28 juillet 1929 aboutit à la composition suivante : Pierre Chosson président, Pierre Colombet vice-président, Pierre Grivolla trésorier, Adolphe Garden trésorier-adjoint, Émile Grivaud secrétaire, Joannès Deville secrétaire-adjoint. Les autres membres du conseil d’administration sont Jacques Pascalon, Pierre Fournier, et Charles Bersic.

[15] Archives municipales de Saint-Étienne, 6 F 39, lettre du secrétaire de la Fédération compagnonnique de la Loire Émile Grivaud au maire de Saint-Étienne Louis Soulié, 10 novembre 1927.

[16] La Tribune républicaine, probablement 16 octobre 1933. La rue Agricol Perdiguier se situe à l’ouest de Saint-Étienne, entre la rue de la Croix-de-Mission et la rue Florent Évrard, à proximité des quartiers de Montmartre, Malacussy et de la Chauvetière.

L’inauguration officielle de la rue se déroule tandis que Louis Soulié n’est plus maire de Saint-Étienne. Le radical-socialiste Alfred Vernay, l’ancien premier adjoint tant de Soulié que d’Antoine Durafour, assume alors la fonction. 

[17] Archives municipales de Saint-Étienne, 6 F 39, note du commissaire de police du Ve arrondissement de Saint-Étienne au commissaire central et au maire de Saint-Étienne, 15 septembre 1927. L’enquête est relative à la demande d’autorisation formulée pour l’ouverture d’une bibliothèque.

Pour approfondir :

Il existe un Musée du compagnonnage à Tours, haut-lieu de l’histoire compagnonnique en France. Son site internet (https://www.museecompagnonnage.fr/index.php/) propose de nombreuses ressources, notamment des articles suivants, conférences publiées dans la revue Fragments d’histoire du compagnonnage :

 
Lionel Bastard est également l’auteur de l’article suivant : « L’image, miroir du compagnonnage au XIXe siècle »Images du travail, travail des images, n°1, 2016.

Les Compagnons du Devoir possèdent toujours un centre de formation dans l’agglomération stéphanoise, plus précisément au 34, rue Raoul Follereau, à La Talaudière.

Enfin, il existe à Saint-Étienne des Ateliers et Conservatoire des Meilleurs Ouvriers de France, cherchant à maintenir la tradition du chef-d’œuvre compagnonnique : https://ateliers-conservatoire-mof.com/. L’institution, qui peut se visiter, se situe 4, rue Jean Itard.

ANNEXE

Statuts de l’Association des Compagnons Tisseurs Ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne et de sa banlieue, 1924 (Archives départementales de la Loire, 4 M 367).

Titre 1 : Dénomination, siège, objet, droits, cotisations, obligations, juridiction et radiations.

Article 1 : Entre les Compagnons Tisseurs Ferrandiniers qui ont adhérés ou qui adhéreront aux présents statuts, il est formé une association dénommée : « Association des compagnons tisseurs ferrandiniers du devoir de la ville de Saint-Étienne et de sa banlieue ».

Article 2 : L’Association a son siège à Saint-Étienne, rue des Ferrandiniers, le siège social pourra toujours être transféré dans tout autre local en la même ville, par décision prise en Assemblée Générale.

Article 3 : Elle a pour but :

1° La défense des intérêts des apprentis du tissage en général, leur perfectionnement dans la théorie et la pratique de la technologie, leur donner des conseils dans leurs travaux ;

2° La création d’un centre de relation avec les diverses villes du tissage de France : LYON, PARIS, TOURS, etc… ;

3° Études des moyens d’échanger les apprentis entre les diverses villes du tissage et secours de voyages.

Article 4 : Chaque adhérent a le droit de profiter de tous les services organisés ou qui pourront l’être par l’Association, ainsi que de tous les avantages offerts par l’Association et qui résulteraient des décisions prises en assemblées générales ou extraordinaires.

Article 5 : Le nombre de ses adhérents est illimité.

Article 6 : Pour faire partie de l’Association, il faut :

1° Être tisseur, subir un examen théorique et technologique ;

2° Se dévouer en toutes circonstances à l’Article 3 ;

3° Signer son adhésion aux présents statuts ;

4° Être agréé par l’Assemblée générale.

Article 7 : La cotisation est fixée à un franc 25 centimes par mois, et pourra être modifiée par décision d’Assemblée.

Article 8 :

1° Tout membre de l’Association en retard de trois mois sera privé de ses droits et au bout d’un an, considéré comme ne faisant plus partie de l’Association.

2° L’Association s’interdit toutes discussions politiques ou religieuses.

3° Les Adhérents s’interdisent tous recours en justice et s’engagent à soumettre toutes réclamations ou différends à l’Assemblée générale qui les solutionnera.

Article 9 : Les radiations seront discutées et votées en Assemblée générale.

Titre II : Administration, conseil, bureau, direction, commission, pouvoirs et attributions.

Article 10 : L’Administration est faite par un Conseil de Neuf membres élus par assemblée générale au scrutin de la liste et à la majorité absolue. Ce conseil peut être augmenté par décision prise à l’Assemblée générale.

Article 11 : Le Conseil d’Administration a la direction générale de l’Association, il doit prendre toutes les mesures qu’il croit utiles de prendre pour la faire prospérer et élargir [ses] moyens d’action.

Article 12 : Les Tisseurs adhérents seuls, peuvent être élus comme administrateurs.

Article 13 : Le renouvellement du Conseil a lieu tous les ans, par tiers ; il est réglé par la voix du tirage au sort dans les deux premières années et par rang d’ancienneté dans les années suivantes. Les membres sortants sont rééligibles.

Article 14 : En cas de vacances, le Conseil pourvoit au remplacement de ses membres ; sauf ratification par l’Assemblée générale les membres ainsi nommés sont soumis au renouvellement dans les mêmes conditions que ceux auxquels ils succèdent.

Article 15 : Le Conseil se réunit tous les trois mois et toutes les fois qu’il est convoqué par le Président.

Article 16 : Tout membre du Conseil dont l’absence aura été constatée à trois reprises consécutives sans qu’il se soit fait excuser pourra être désigné démissionnaire.

Article 17 : La présence de la moitié au moins des membres est nécessaire pour la validité des délibérations. En cas de partage, la voix du Président est prépondérante.

Article 18 : Les votes ont lieu par mains levées, le scrutin secret est de droit s’il est demandé par trois membres au moins.

Article 19 : Il est tenu procès-verbal des séances. Les procès-verbaux seront transcrits sur un registre et signés du Président et du Secrétaire.

Article 20 : Le bureau est nommé par Assemblée Générale et se compose d’un Président, Vice-Président, d’un Secrétaire et d’un Trésorier.

Article 21 : Le Bureau exécute les décisions prises par l’Assemblée générale et par le Conseil d’administration ; il expédie les affaires et représente le Conseil dans l’Administration permanente de l’Association. Il nomme, remplace ou révoque tous les Employés et fixe les appointements.

Article 22 : Le Président convoque et préside les réunions du Conseil et les assemblées générales ordinaires ou extraordinaires, il dirige la discussion, il a la police des séances.

Article 23 : Le Vice-Président assiste et remplace le Président en cas d’absence ou d’empêchement de ce dernier.

Article 24 : Le Secrétaire fait rédiger et transcrire, lit et signe les procès-verbaux des séances.

Article 25 : Le Trésorier a pour mission de surveiller la tenue de la Comptabilité ; il préside au recouvrement des cotisations et ressources de toutes natures et présente à chaque Assemblée générale un état de la situation financière.

Article 26 : Le Conseil peut se diviser en plusieurs commissions.

Article 27 : Il peut s’adjoindre un conseil judiciaire ou technique dont les membres choisis ou non en-dehors des adhérents peuvent être invités à assister aux séances du bureau du Conseil d’administration ou des commissions pour être consultés dans tous les cas où il serait utile de faire appel à leur compétence.

Titre III : Fonds social ; Ressources ; Réserves ; Immeuble ; Fonds disponibles.

Article 28 : Les ressources de l’Association se composent :

1° – de la cotisation fixe mensuelle

2° – des dons qui pourraient lui être faits

3° – enfin du revenu de ses biens et valeurs de toute nature.

Article 29 : Un fond de réserve et de prévoyance est formé au moyen d’un prélèvement sur les recettes annuelles. L’importance et l’emploi sont laissés à la décision du Conseil d’administration.

Article 30 : Il sera placé au nom de l’Association en valeurs de tous repos : telles que : Rentes sur l’État, Obligations françaises, etc… déterminées par le Conseil d’administration.

Article 31 : Ce fond est inaliénable ; sauf décision de l’Assemblée Générale. Ses revenus peuvent être appliqués aux dépenses courantes.

Article 32 : Indépendamment de cette ressource proprement dite, les fonds disponibles peuvent être convertis en valeurs ou déposés dans une Banque à la Caisse d’Épargne au nom de l’Association. Ils ne pourront en être retirés que sur la signature du Président ou du Trésorier.

Article 33 : L’Association pourra acquérir un immeuble à l’usage de ses cours professionnels, réunions du Conseil ou Assemblée.

Article 34 : 1° En cas de nécessité et pour tout autre raison, l’Immeuble ne pourra être vendu que par suite d’une décision prise en Assemblée Générale, à la majorité des deux tiers des membres de l’Association.

2° Le Président aura toute qualité conformément à l’article 22.

Titre IV : Assemblées générales ordinaires, extraordinaires.

Article 35 : Une assemblée générale ordinaire a lieu chaque trimestre sur convocation individuelle faite au moins huit jours à l’avance. Son Bureau est celui du Conseil.

Article 36 : Son Ordre du Jour est réglé par le Conseil d’Administration, il comprend toujours :

1° : l’appel nominal des membres adhérents

2° : la lecture du procès-verbal de la dernière séance

3° : le compte-rendu des travaux de l’Association pendant l’exercice

4° : le rapport du Trésorier sur la situation financière.

Article 37 : Toutes propositions signées de trois membres et soumises au bureau huit jours avant l’Assemblée générale sera inscrite à l’Ordre du Jour de cette assemblée sans préjudice des motions qui pourront être présentées en Assemblée générale.

Article 38 : Des Assemblées générales extraordinaires peuvent être convoquées à toute époque de l’année quand elles sont demandées par la majorité des membres de l’Association. Elles ne délibéreront que sur les questions inscrites à l’Ordre du Jour et qui ont motivées leurs convocations.

Article 39 : Les délibérations sont prises à la majorité des membres présents.

Article 40 : Les Assemblées générales ordinaires sont valables quel que soit le nombre des membres présents.

Article 41 : Une assemblée générale ordinaire peut en même temps être extraordinaire lorsque son ordre du jour comporte une modification de Statuts.

Article 42 : La présence de la moitié des membres de l’Association est nécessaire pour la validité des Assemblées générales extraordinaires.

Article 43 : Dans le cas où ce quorum ne serait pas atteint à une première réunion, il sera fait une nouvelle convocation dans la quinzaine et huit jours à l’avance ; à cette seconde séance, les délibérations seront valables quel que soit le nombre des membres présents.

Titre V : Durée, dissolution.

Article 44 : L’Association est constituée pour une durée illimitée. Toutefois sa dissolution pourrait être prononcée dans le cas où les recettes ne pourraient plus couvrir les dépenses et sur une proposition de la majorité du Conseil.

Article 45 : L’Assemblée générale spécialement convoquée à cet effet devra comprendre au moins la moitié plus UN, des membres en exercice.

Article 46 : Dans le cas où ce quorum ne serait pas atteint à une première réunion, il sera fait une nouvelle convocation dans la quinzaine et huit jours à l’avance. À cette seconde séance les délibérations seront valables quel que soit le nombre des membres présents.

Article 47 : En cas de dissolution, la liquidation sera confiée à une commission de cinq membres. L’Actif recevra une destination en conformité à la décision prise par ladite Assemblée Générale Extraordinaire.

 

À Saint-Étienne, le 24 mai 1924

Le Conseil d’Administration

[suivent les différentes signatures]

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