1918 – Le licenciement des ouvrières des usines de guerre

Présentation : Le document qui suit est une lettre, signée par un groupe d’ouvrières de la pyrotechnie de Saint-Étienne (archives départementales de la Loire, 2 R 133). Adressée au préfet de la Loire, Georges François, elle est datée du 21 décembre 1918. Plus d’un mois après l’armistice mettant fin à l’état de guerre sur le territoire français, et à quelques jours de la célébration de la Nativité, ces travailleuses sont sur le point d’être licenciées par leur employeur. Confrontés à la diminution des commandes de guerre, désireux de rétablir l’ordre social et culturel d’avant-guerre, le gouvernement et les usines de guerre s’accordent sur le licenciement des « munitionnettes ».

La pyrotechnie de Saint-Étienne, si elle dépend de la Manufacture nationale d’armes (MAS), est alors abritée dans les locaux des Établissements Automoto, dans le quartier de la Rivière. Elle emploie pendant le conflit une importante main-d’œuvre féminine. Ces ouvrières aux « mains vertes », à cause du maniement de la mélinite, une substance explosive, font part de leur désarroi au représentant de l’État. L’orthographe et la syntaxe d’origine sont respectées.

 

Excusez-nous tous d’abord si nous prenons la liberté de vous ecrire, mais les circonstances nous pousse à bout – nous comptons sur votre entier dévoument, pour faire appel en votre aimable personne –

Voici les faits dont ils s’agit : voici quatres ans que nous avons fait notre devoir de femmes en travaillant de toutes nos forces pour la défense nationnale aujourd’hui les hostilités sont suspendues, très bien tous le monde et très heureux – seulement Monsieur le préfet malgré tous cela nos patrons nous ont renvoyées et on fait des choses qui ne doivent pas se faire. 1. sans aucune indemnité 2. sans nous avertir du renvoie et aujourd’hui nous toutes qui venons faire apel à votre pouvoir, nous pauvres femmes sommes sans travail et oserions même le dire sans pain. Car au prix qu’est la vie impossible de rester sans rien faire. les places sont très rares car chez nous monsieur le préfet sans compter ailleurs nous sommes milles femmes et filles de la pirotechnie sur le pavé – maintenant monsieur le préfet ce qu’il y a de plus cruelle c’est que dans certaines usines de tissages rubans ou velours nous nous sommes présenter et savait vous l’accueil qui nous a été fait – on nous a regarder nos mains tarrés par le cuivre, et ont nous a repondu d’aller travailler d’ou nous venons que l’on ne prenait pas les femmes qui ont travailler dans les usines de guerre – donc M. le préfet nous espérons que vous remedirait à ces choses stupides et que vous aurez pitié de nous pauvres femmes et filles dont certaines Monsieur le préfet seront nous obliger nous osons vous le dire à faire ce que la faim fait faire – la noce –

Nous comptons sur votre devouement et nous remercions à l’avance de votre gentillesse et de votre bonté.

Un groupes d’ouvrieres de la Pirotechnie de St. Etienne

 

Pour approfondir :

  • Michelle Zancarini-Fournel, Les luttes et les rêves. Une histoire populaire de la France de 1685 à nos jours, Paris, La Découverte, 2016, chapitre XIII.
  • Antoine Vernet, « La reconversion de la main-d’œuvre ouvrière à l’issue de la Première Guerre mondiale : de la préparation aux pratiques (1914-1924) », dans Pierre Peyvel (coord.), De la guerre à la paix : le département de la Loire en 1919. Actes du colloque tenu à Montbrison le 22 novembre 2019, Montbrison, La Diana, 2020, p. 131-148.

Partager cet article

Share on facebook
Facebook
Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
LinkedIn
Share on email
Email