La grève du Joint français : c’était il y a un demi-siècle

En novembre 2013, au cours des 1ères Rencontres d’Histoire Ouvrière du Gremmos, Michelle Zancarini-Fournel présenta une communication intitulée : « 1973, le 68 stéphanois, symbole des luttes des années 68 ». Elle expliquait :

« Après 1968, l’insubordination des “travailleurs” est un phénomène récurrent, partie prenante d’un processus de radicalisation d’un certain nombre d’acteurs sociaux qui tissent parfois entre eux des points de convergence : ouvriers, lycéens, étudiants, paysans, jeunes, femmes, immigrés se retrouvent épisodiquement au cours des conflits qui jalonnent la séquence historique ».

 

1972 a été « le 68 breton » avec la grève du Joint Français.

À Saint-Brieuc, en février 1972, les ouvriers de cette usine débrayent pour obtenir le même niveau de salaire que leurs collègues de région parisienne. Depuis les années 1960, dans le cadre de la décentralisation des usines « s’installent en Bretagne parce que les dirigeants se disent : on va avoir à faire à une main-d’œuvre docile, en tout cas plus docile qu’en région parisienne, qu’on va pouvoir payer peu cher car ce n’est pas le même niveau de vie, avec une production à moindre coût » (Vincent Porhel, 2008). Commença un conflit de plusieurs semaines, qui s’acheva victorieusement en dépit d’un impressionnant déploiement de forces de l’ordre. Un conflit qui connut un écho national avec de nombreuses manifestations de soutien, notamment dans la région stéphanoise.

Comme en écho à Michelle Zancarini-Fournel, la directrice du musée de Saint-Brieuc, Élisabeth Renault déclare : « En Bretagne, le véritable mai 1968 est le Joint Français ». C’est dans ce musée qu’auront lieu, à l’occasion des 50 ans de l’événement, une exposition et un colloque universitaire, intitulé Le Joint français (mars-mai 1972) : les échos d’une grève en Bretagne,. L’événement se tiendra ainsi à Saint-Brieuc du 4 au 6 mai prochain. Son programme complet est accessible en ligne. Ces trois journées sont coorganisées par BCD (Bretagne Diversité Culture), le Musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc, le laboratoire Arènes (Université Rennes 1 / Sciences Po Rennes / EHESP / CNRS) et le Centre de recherche sur la Bretagne contemporaine (Université de Bretagne occidentale).

 

Bibliographie :

Le Télégramme de Brest a consacré une série d’articles sur le sujet : « Il y a 50 ans, le Joint Français ou le « Mai-68 breton » », 25 février 2022.

Vincent Porhel, Ouvriers bretons. Conflits d’usine, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008. [présentation de l’ouvrage]

Xavier Vigna, L’insubordination ouvrière dans les années 68. Essai d’histoire politique des usines, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007. [présentation de l’ouvrage]

Philippe Artières et Michelle Zancarini-Fournel (dir.), 68, une histoire collective (1962-1981), Paris, La Découverte, 2008. On y trouvera notamment p 455 457, un article de Vincent Porhel, « La photographie de l’ouvrier du Joint Français : le prolétaire et son double », consacré à un cliché pris le 6 avril 1972 représentant « la confrontation entre un ouvrier gréviste et un CRS. La scène projette la grève du Joint français de la scène locale à la scène nationale »

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