Louis Comte – Situation économique et sociale du bassin houiller de la Loire (1897)

Le texte suivant est la première contribution de Louis Comte au tome 1 de l’ouvrage publié à l’occasion du congrès tenu par l’Association française pour l’avancement des sciences à Saint-Étienne en août 1897.

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Louis Comte, « Situation économique et sociale du bassin houiller de la Loire », dans Association française pour l’avancement des sciences, Saint-Étienne, XXVIme Session – Août 1897, tome 1, Saint-Étienne, Société de l’imprimerie Théolier – J. Thomas & Cie, 1987, p. 347-370.

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Situation économique et sociale du bassin houiller de la Loire

Le bassin houiller de la Loire est peut-être un champ d’expérience unique, en France, pour ceux qui s’intéressent aux questions économiques et sociales. La plupart, en effet, des industries qui constituent la richesse nationale y sont représentées[1] et l’on y rencontre toutes les formes de la production et de l’échange : patronat, sociétés anonymes et associations ouvrières, en sorte que le sociologue, aussi bien que l’économiste, peut se livrer à des études du plus haut intérêt sur les questions qui passionnent aujourd’hui les esprits : rapports du travail et du capital, des ouvriers et des patrons, modes de production et de répartition des richesses, doctrines économiques des industriels, aspirations des classes ouvrières. En vérité, si jamais on veut fonder, en France, un Institut pratique des sciences économiques et sociales, c’est à Saint-Étienne qu’il faudra le placer.

[348] Doctrines économiques. — On comprend que la multiplicité des industries ait pour conséquence une véritable anarchie au point de vue des doctrines économiques. Certaines régions, comme Lyon par exemple, sont restées libre-échangistes encore que cette doctrine commence à être battue en brèche et reniée par ceux-là même qui semblaient en être les défenseurs nés[2] ; d’autres comme les départements du Nord sont franchement protectionnistes. Saint-Étienne ne saurait partager des idées aussi absolues. Ses intérêts sont multiples et quoi qu’en ait dit un illustre économiste, les intérêts ne sont pas toujours harmoniques, du moins les intérêts immédiats. Si quelques fabricants de rubans professent encore avec Bastiat qu’ils sont « prêts à échanger avec quiconque veut échanger » ils n’iraient pas jusqu’à « acheter sans demander à vendre », accepter « toutes les relations sans en exiger aucune » et appeler sur eux « l’invasion des produits étrangers ». Ce serait leur demander une abnégation qui friserait le don Quichotisme et dont ils seraient, au demeurant, les premiers à se déclarer incapables. Aussi-faut-il accepter avec une extrême réserve les déclarations libre-échangistes de la fabrique stéphanoise. Libre-échangiste, sans doute, quand il s’agit de recevoir les soies grèges ou ouvrées de l’étranger et les filés de coton dont elle ne peut se passer, la fabrique stéphanoise, sans demander des droits prohibitifs sur les produits qui viennent concurrencer les siens, accepte fort bien, après les avoir réclamés, des droits compensateurs de 4 francs sur les rubans et de 5 francs sur les rubans de velours étrangers pour contrebalancer les droits qu’elle a à supporter sur les filés de coton et les filés de bourre de soie.

Les fabricants de lacets de Saint-Chamond qui sont outillés de façon à ne pas craindre la concurrence étrangère sont plutôt libre-échangistes, mais à la condition qu’on [349] supprime les droits sur les matières premières. À vrai dire, il n’y a de vrais libre-échangistes, au sens où Bastiat entendait ce mot, que chez les teinturiers qui, dans l’espèce, du reste, n’obéissent pas à des considérations tirées des principes, mais à leurs intérêts. Ils sont libre-échangistes parce que les produits étrangers ne sauraient rivaliser avec les leurs.

Les métallurgistes et les armuriers sont nettement protectionnistes. Leurs matières premières viennent de loin, la main-d’œuvre est assez élevée, les charbons eux-mêmes pris sur place sont plus chers que dans d’autres régions, toutes ces causes augmentent les prix de revient et obligent ces honorables industriels à réclamer des droits sur les produits étrangers sous peine de fermer leurs usines après s’être ruinés. En vérité les consommateurs n’ont pas le droit d’exiger des producteurs un pareil désintéressement d’autant plus que la défense nationale a ses exigences et qu’il serait de la dernière imprudence de rendre la France tributaire de l’Allemagne, de l’Angleterre et de la Belgique pour la production du fer et de l’acier.

Et ce sont les mêmes raisons, auxquelles il faut ajouter les redevances tréfoncières, les indemnités de dégâts de surface et les tarifs onéreux de transport, qui expliquent les tendances protectionnistes de l’industrie de la houille.

Société des études économiques et sociales. — Cette anarchie, dans le domaine théorique de l’économie politique, se manifeste surtout dans les discussions qui s’élèvent au sein de la Société, jeune encore, mais qui est appelée à rendre les plus grands services à la région en obligeant ses membres à réfléchir sur les incidences des lois et des institutions qui touchent au commerce, à l’industrie et à l’agriculture, je veux parler de la Société des études économiques et sociales. Fondée il y a quatre ans, cette Société compte déjà plus de 250 adhérents, parmi lesquels les principaux industriels de la région. Le but des promoteurs de cette Société a été de réunir tous les hommes qui, par leurs [350] occupations, leurs études, leurs goûts, se préoccupent des questions économiques et sociales et désirent sincèrement travailler à l’amélioration matérielle et morale des travailleurs. Ils ont voulu engager ces hommes de bonne et franche volonté à étudier, avec la plus vive sympathie, mais sans renoncer aux droits de la critique, les projets de réforme qui se font jour, afin d’éviter les erreurs et les fautes ; ils ont voulu habituer les hommes d’affaires de notre région à parler en public, afin que leurs intérêts ne soient pas sacrifiés, comme il arrive souvent, lorsque industriels et commerçants ne savent pas apporter la clarté logique qu’exigent l’exposition et la discussion des affaires.

Ce qui distingue, en général, les travaux présentés à la Société des études économiques, c’est leur caractère pratique. La théorie y joue un rôle secondaire. On paraît surtout s’attacher aux faits. On ne se perd pas dans des abstractions. Il y a là une qualité et un défaut. On aperçoit facilement la qualité, voici le défaut : on n’interprète pas suffisamment les faits et on n’essaye pas, en vue de la conduite à tenir dans telle ou telle circonstance, de se représenter les conséquences que peut avoir sur la marche générale de l’industrie et sur la situation des ouvriers une réforme dont on ne peut sur l’heure connaître tout ce qu’elle contient en virtualité. Car enfin, faire de la théorie, c’est être suffisamment pratique puisque c’est être prudent.

Mais ce défaut ira en s’atténuant de séance en séance. Déjà, on peut constater une tendance à traiter des questions théoriques, et quand on aura atteint ce point idéal d’équilibre entre la pratique et la théorie, la Société des études économiques et sociales de la Loire prendra rang parmi les institutions dont les discussions jouiront d’une faveur exceptionnelle auprès des économistes[3].

[351] La classe ouvrière et le socialisme. — Cette même absence de principes directeurs se rencontre dans le monde des travailleurs ou de ceux qui se constituent les défenseurs de leurs droits et de leurs intérêts. Sans doute, le parti ouvrier s’intitule socialiste, et à première vue on pourrait croire qu’il a, dès lors, une doctrine parfaitement définie. Il n’en est rien. Le mot de socialisme est un pavillon qui recouvre les marchandises les plus disparates, depuis les vagues aspirations de certains mutualistes jusqu’aux abstractions des collectivistes marxistes ; ce mot est encore un cri de ralliement qui groupe tous ceux qui, dans le monde des travailleurs, gémissent de la situation parfois difficile qui leur est faite et soupirent après un mode économique où la répartition des produits s’opérera d’une façon sinon plus équitable, du moins plus égale. Aussi est-il dans notre région très peu de socialistes, même parmi les militants, qui aient le droit de se réclamer de la doctrine socialiste, si, pour avoir ce droit, il faut être en mesure de se rendre personnellement compte des idées que l’on professe en pareille matière. Il ne faut pas s’en étonner. Le socialisme moderne ou socialisme scientifique, comme ses fervents aiment à le qualifier, est d’une compréhension très ardue, il touche à la plus haute métaphysique puisqu’il procède du matérialisme de l’extrême gauche de Hegel. Sans doute, on peut définir le socialisme [comme] le système qui a pour but la suppression de la propriété individuelle des moyens de production : instruments de travail, usines, sol, capital, banques, moyens de transport, etc., et la mainmise par l’État, ou par les communes, suivant [352] les écoles, sur l’industrie, le commerce et l’agriculture. Mais il est à la portée de bien peu de cerveaux de pouvoir suivre, même dans les grandes lignes, le processus dans le passé et les conséquences dans l’avenir de ces idées qui, malgré leur apparence, sont très abstraites et supposent pour être saisies une puissance peu commune de raisonnement et de logique.

En réalité, la seule idée qui paraît relier le monde ouvrier et en faire un parti économique, nous n’avons pas ici à nous occuper de politique, c’est l’espoir que les travailleurs paraissent mettre dans l’intervention de l’État pour améliorer leur sort en demandant : d’un côté, la limitation des heures de travail pour arrêter ce qu’ils appellent la surproduction, et, de l’autre, l’assurance obligatoire contre la maladie, les accidents et surtout la vieillesse. Toutefois, il est juste d’observer que quelques ouvriers, très remarquablement doués, ont des vues assez nettes sur le socialisme et se tiennent au courant du mouvement économique et social pour en tirer des arguments en faveur de leurs conditions.

Nous ne pouvons, du reste, sur cette question, que nous montrer très réservé. Nos observations ne sont que le résultat de conversations et d’échange de vues avec de nombreux ouvriers et les chefs du parti socialiste. Nous n’avons trouvé aucun groupe, constitué en vue de l’étude des questions sociales. Il est vrai qu’on peut, en un sens, regarder la Bourse du Travail[4] comme un centre d’études, et, il y a [353] quelques années, la municipalité y avait organisé un cours de sociologie, mais, depuis, on se contente d’y donner des cours professionnels et de fournir aux Syndicats et aux Sociétés de secours mutuels un local pour leurs séances. Or, dans ces séances, les Sociétés ne s’occupent guère que de leurs intérêts directs et n’abordent pas l’examen des questions économiques et sociales.

Rapports des patrons et des ouvriers. — Il serait étrange que, dans un centre industriel comme celui de Saint-Étienne, on ne fût pas amené à constater une sorte de malaise dans les rapports des patrons et des ouvriers, du travail manuel et du capital. Aussi bien ce malaise existe. Nous n’avons ni à le critiquer ni à le justifier, mais à le constater. Pour cela, un examen rapide de la situation de l’ouvrier s’impose.

Il faut distinguer deux sortes d’ouvriers : ceux qui sont employés dans les grandes industries exploitées sous forme de Sociétés anonymes, et ceux qui travaillent chez eux. Les premiers sont les mineurs, les métallurgistes, les verriers et un certain nombre d’armuriers. Les seconds se recrutent surtout dans le monde de la passementerie et dans la fabrication des armes de luxe. Chez les passementiers, les petits patrons possédant deux et même trois métiers, d’une valeur [354] de 3 à 4.000 francs, sont nombreux, et, bien que depuis quelques années la soierie traverse une période de crise très aiguë, on peut affirmer, cependant, que la gêne qui en est résultée, pour le plus grand nombre des familles qui tirent leur moyen d’existence de la manipulation de la soie, ne s’est pas traduite par un esprit de révolte contre le mode économique actuel[5]. Les passementiers, dans leur ensemble, sont restés conservateurs, en prenant ce mot dans le sens économique. On ne rencontrerait des tendances socialistes que chez les ouvriers qui n’ont pas de métiers et qui, obligés de travailler chez des petits patrons, laissent entre les mains de ceux-ci, pour les dédommager et leur payer la location du métier qu’ils emploient, une bonne partie des prix de façon. Or ces prix sont actuellement extrêmement réduits. Un grand nombre de passementiers n’arrivent pas à gagner deux francs par jour, et cela depuis longtemps ; aussi, plusieurs d’entre eux ont-ils abandonné la partie pour chercher ailleurs des occupations plus rémunératrices.

Il est évident que pour cette classe de travailleurs, ouvriers comme petits patrons, la situation est des plus précaires, et, comme on ne voit pas très clairement la possibilité d’une amélioration notable et continue des conditions du travail, celui-ci ayant, du reste, une tendance très marquée à émigrer à la campagne où la main-d’œuvre est meilleur marché, il faut s’attendre à voir la classe des passementiers fournir sous peu un contingent très respectable de mécontents et de révoltés, à moins que l’application de l’électricité comme moteur, permettant d’actionner un ou deux métiers, n’améliore la situation du passementier.

Les armuriers ont, en général, des idées très avancées en [355] politique et se rattachent au mouvement socialiste. La raison en est que, chez eux aussi, les chômages sont fréquents et que, par suite de la concurrence étrangère d’après les uns, du mode de fabrication inférieur au point de vue du prix de revient d’après les autres, les salaires sont relativement bas ; du reste, les besoins des armuriers, tout comme ceux des passementiers, sont plus nombreux que ceux des ouvriers mineurs ou métallurgistes par exemple. Les occasions de dépense sont plus fréquentes, par le double fait qu’ils ont plus de liberté, puisque la plupart travaillent chez eux et qu’ils traversent chaque année une période de deux ou trois mois avant l’ouverture de la chasse, pendant lesquels le travail est très rare.

Chez les verriers l’esprit d’indépendance est poussé très loin. Il faut l’attribuer d’abord à cette considération qu’ils constituent une corporation très fermée, jalouse de ses privilèges et qu’ensuite leurs syndicats sont très puissants. Le sentiment de la solidarité est extrêmement développé chez eux. En temps de grève, ils savent consentir à de réels sacrifices pour soutenir leurs camarades. La lutte contre le patronat est chez eux à l’état endémique. Leurs salaires sont cependant très élevés. Mais le travail auquel ils se livrent étant pénible, fatigant, ils cherchent dans les excitants des forces factices et ont en outre des habitudes de dépenses beaucoup plus accentuées que dans toutes les autres branches de l’industrie. Ce sont les verriers évidemment qui apportent à l’élément révolutionnaire l’appoint le plus important, toute proportion gardée.

Les métallurgistes composent en somme la partie de la population la plus calme, la plus paisible. Il y a dans leur rang des socialistes, sans doute, mais ils ne paraissent pas être militants. Il semble, cependant, que travaillant dans de grandes usines, se voyant fréquemment, ils fussent portés facilement à s’exciter. Il n’en est rien. Beaucoup de causes contribuent à ce que les uns appellent de la sagesse, les autres de l’inertie. Ils travaillent dans les mêmes usines, c’est vrai, [356] mais ils logent dans différents quartiers de la ville. Leur contact n’est pas aussi constant qu’on pourrait le croire ; ensuite, dans les usines, ils travaillent par atelier, chaque atelier a une partie différente, forme un tout, quelquefois le travail est abondant dans un atelier et non dans l’autre, ensuite la diversité des salaires est extrême[6]. Il n’y a donc pas concordance [357] d’intérêt, du moins d’intérêts immédiats, aussi, l’entente est-elle assez difficile[7]. Enfin les ouvriers métallurgistes sont en grande partie mutualistes. Leurs sociétés sont puissantes, bien administrées, subventionnées en général par les compagnies, ou par des maisons particulières et soutenues par des membres honoraires. Or, il est un fait incontestable, c’est que les mutualistes sont d’une façon générale absolument réfractaires aux théories révolutionnaires et s’ils ont parfois des tendances socialistes ils ne dépassent guère les régions d’un vague sentimentalisme. Les droits qu’ils se sont acquis en versant leurs cotisations dans leur société sont des droits de copropriétaires et rien n’est tel que la propriété pour servir d’antidote au socialisme révolutionnaire.

L’état d’âme de la population houillère est assez mal [358] connu et surtout méconnu. On s’imagine volontiers que les mineurs sont tous des révoltés farouches et toujours prêts à se mettre en grève en vue d’obtenir des augmentations de salaire, des réductions des heures de travail et d’autres réclamations plus ou moins fondées. Il n’en est rien. Les mineurs constituent au contraire une population très calme, très sage, très travailleuse et à coup sûr très digne d’intérêt. Ce qui leur a valu, auprès des personnes qui ne les voient pas de près, cette réputation, ce sont des scènes sanglantes qui se sont passées à l’occasion de certaines grèves. Nous n’avons pas à excuser les meurtres qui ont été commis dans telle ou telle circonstance, mais qu’il nous soit permis de faire observer que le bassin houiller de la Loire, depuis l’affaire de La Ricamarie en 1866, n’a heureusement pas été troublé par des faits aussi regrettables. Les grèves qui ont éclaté ont toujours conservé un caractère pacifique et l’on ne doit pas ajouter une importance exagérée à des violences de langage proférées par des meneurs qui ne sont généralement pas suivis. Les mineurs, du reste, ont depuis longtemps l’habitude de s’occuper de leurs intérêts et peu de corps de métier sont aussi solidement unis par une même pensée que celui dont nous nous occupons[8]. Cette pensée est une sorte de socialisme d’état plus ou moins conscient qui est comme la cristallisation dans le cerveau du mineur de toutes les sympathies qu’on lui a toujours témoignées à cause de ses occupations et de son genre de travail. On s’est, en effet, à tel point apitoyé sur son sort, on a si souvent répété qu’il remplissait une fonction sociale, qu’il était le travailleur le plus utile ; que s’il voulait, toutes les autres industries s’arrêteraient, que c’est de lui que dépend toute l’activité sociale d’un pays et la défense [359] nationale, qu’il a fini par se regarder comme un ouvrier à part, une sorte de fonctionnaire qui avait des droits spéciaux. Et ces droits il les a réclamés et en partie les a obtenus sous forme de caisse de retraite pour la vieillesse et d’indemnité en cas de maladie. Du reste, ce qu’il a déjà obtenu met en appétit le mineur qui réclame une modification de la loi sur les retraites de façon à voir augmenter le taux de celle-ci jusqu’à un minimum représentant 2 francs par jour de travail. Ce sont aussi les mineurs qui se sont emparés de la formule des trois huit et qui en ont demandé l’application par l’État, comme enfin ce sont les mineurs qui, seuls de toutes les corporations, ont obtenu des délégués choisis parmi eux, nommés par eux et revêtus de pouvoirs reconnus et sanctionnés par l’État pour surveiller les conditions de travail et représenter les intérêts de leurs pairs devant l’administration[9].

[360] On comprend que tous ces avantages conférés à l’ouvrier mineur l’aient mis en goût et qu’il demande de nouvelles faveurs ou de nouveaux droits — nous n’avons pas à nous prononcer sur cette question — accentuant ainsi l’espoir qu’il met dans l’État pour améliorer sa situation. Aussi est-il permis d’affirmer que tous les mineurs, même ceux qui, en temps d’élection, votent pour des candidats anti-socialistes, sont dans le fond socialistes et ont vraiment une mentalité socialiste.

Telle est, dans ses grandes lignes, la situation économique dans le bassin houiller de la Loire. En somme, si, pour certaines industries comme la métallurgie et la houille, elle est encore passable, pour d’autres, cette situation est déplorable et tout naturellement les ouvriers subissent le contre-coup de cette crise industrielle qui persiste depuis plusieurs années. Aussi est-on surpris de constater que, malgré ce malaise, les ouvriers fassent encore preuve de tant de modération dans leur conduite et de sagesse dans leurs revendications, d’autant plus que, par une singulière anomalie, tandis que le travail devenait plus rare et que le salaire [361] annuel moyen diminuait sensiblement pour certaines corporations, le prix des objets de consommation de première nécessité augmentait dans des proportions relativement considérables, par suite d’une part de la multiplicité d’intermédiaires, et d’autre part du régime protectionniste qui grève lourdement le prix de revient de la nourriture et par répercussion de tous les autres objets nécessaires à l’entretien[10].

Nous le répétons, cette situation difficile qui est faite à l’ouvrier dans notre région n’a pas développé chez lui, comme on aurait pu s’y attendre, sinon des tendances révolutionnaires, du moins l’esprit de mécontentement. Ainsi les grèves sont très rares et ne se manifestent pas avec la violence qu’elles présentent dans d’autres centres industriels. Fait d’autant plus digne de remarque qu’en somme les grèves qui ont éclaté dans le bassin houiller de la Loire, et principalement dans l’industrie houillère, ont presque toutes tourné au profit des ouvriers[11].

Institutions patronales. — Si les ouvriers ont vu leurs charges augmenter et les conditions de vie devenir plus difficiles [362], ont-ils trouvé une compensation dans les avantages que leur offraient les institutions patronales ? Au lieu de répondre dans un sens ou dans un autre, nous nous contenterons de placer les faits sous les yeux des lecteurs, laissant à chacun le soin d’en tirer des conclusions qui sont, la plupart du temps, affaire d’appréciations personnelles.

La plupart des sociétés anonymes et des grandes industries particulières n’ont pas fondé d’œuvres spéciales pour leur personnel. Les unes préfèrent subventionner les caisses de secours mutuels organisées par leurs ouvriers, prendre sur leurs frais généraux les indemnités nécessaires aux victimes des accidents et les secours alloués aux vieillards, les autres trouvent plus commode d’assurer leur personnel en cas d’accident, de façon à ce que leurs ouvriers aient droit aux médecins, aux médicaments et à une indemnité[12].

Certaines Compagnies, au contraire, et industries privées ont organisé elles-mêmes leurs caisses de secours et font participer leurs ouvriers à l’administration de ces caisses. En outre, elles ont institué des caisses spéciales qui assurent à tous les ouvriers et employés une rente sur leurs vieux [363] jours[13], mais ce ne sont là que des exceptions. Le premier système est plus généralement adopté.

Les Compagnies houillères méritent, dans cet ordre d’idées, [364] une mention à part. On sait que les caisses de secours ont été réorganisées, en ce qui concerne la vieillesse et la maladie, d’après la loi du 25 juillet 1894. Il en est résulté, pour les ouvriers, un désavantage manifeste au point de vue de la retraite. Le taux fixé par la loi pour celle-ci est sensiblement inférieur à ce qu’il était quand les Compagnies assuraient elles-mêmes leurs ouvriers. Cependant, cette loi a été favorablement accueillie par les intéressées, parce qu’elle consacre un double principe : l’obligation de la retraite et le livret individuel d’une part, et, de l’autre, la garantie offerte par l’État, qui met sa Caisse nationale pour la vieillesse à la disposition des mineurs, et ceux-ci espèrent bien, avec le temps, obtenir du législateur une augmentation du minimum de leur retraite[14].

[365] En dehors de l’usine ou de l’atelier, les rapports entre patrons et ouvriers sont à peu près nuls. Il n’y a pas pénétration de classes. Les œuvres patronales, ayant précisément pour objectif de combler le fossé qui se creuse de plus en plus entre les employeurs et les employés, sont à l’état d’exception, surtout si on se place en dehors de l’activité religieuse et sociale de l’Église catholique et de l’Église réformée. À part les Sociétés de secours mutuels dont les patrons dont partie à titre de membres honoraires, mais où ils se contentent de payer leurs cotisations, il n’y a pas d’œuvres ayant vraiment pour but le rapprochement des classes et l’élévation du niveau intellectuel et moral des travailleurs manuels. Raison de plus pour mentionner les efforts qui ont été tentés soit par l’initiative privée, soit par les industriels eux-mêmes. Les Aciéries de Saint-Étienne ont fondé, au Marais, pour les contremaîtres et les principaux ouvriers, un cercle avec cabinet de lecture, depuis longtemps elles possèdent deux cités ouvrières ; l’usine Bedel, à l’Étivallière, et l’usine Claudinon, au Chambon, ont aussi [366] des logements pour les ouvriers. Les Aciéries d’Unieux ont une salle de lecture avec bibliothèque, une fanfare, une école maternelle, une bourse d’études en faveur d’un fils d’ouvrier et enfin un ouvroir pour les jeunes filles ; la Société des mines de Montrambert a créé, à La Ricamarie, des écoles congréganistes de garçons et de filles, un asile, un ouvroir et un hôpital ; celle de Firminy-Roche-la-Molière dirige, dans chacune de ces deux localités, un ouvroir pour jeunes filles de 14 à 16 ans et un hôpital ; à Roche et à La Malafolie, cette même Compagnie fait donner, par les instituteurs, un cours pour les ouvriers qui désirent se présenter à l’École des aspirants gouverneurs créée à Saint-Étienne par le Comité des houillères de la Loire. En outre, les Compagnies ont conservé l’habitude de célébrer, chaque année, la fête de la Sainte-Barbe avec l’ancienne solennités, et, à cette occasion, elles donnent une gratification à chaque ouvrier et offrent un banquet où sont réunis les ingénieurs, les employés et les gouverneurs. D’autre part, Compagnies, Sociétés anonymes et industries particulières, subventionnent les Sociétés qui, dans leur rayon, concourent au relèvement matériel et moral de la classe ouvrière. Disons cependant, à leur décharge, que si ces grandes entreprises n’ont pas fondé des œuvres similaires plus nombreuses, cela tient, en grande partie, à ce que leurs ouvriers, les mineurs exceptés, qui habitent en général des quartiers spéciaux, sont disséminés au milieu d’une agglomération considérable et que, dès lors, il leur serait bien difficile de se grouper autour de leur usine ou de leur exploitation pour profiter des avantages que procurent les institutions philanthropiques dont nous parlons.

Œuvres d’initiative privée. — Si les patrons font peu de chose dans le sens que nous indiquons, les particuliers ne font guère plus. Rares sont les œuvres dues à l’initiative privée et dont le but est vraiment le développement intellectuel et moral des classes laborieuses. Sans doute, en un sens, on peut regarder comme ayant cet objectif les sociétés de [367] musique, de gymnastique et de tir très nombreuses dans notre région ; mais ces œuvres, excellentes en elles-mêmes, ne peuvent être qualifiées de sociales qu’à la condition de forcer le sens des mots. Toutefois, on peut citer la Bibliothèque populaire de Rive-de-Gier, la salle de lecture de Firminy ; à Saint-Étienne, la section de la Ligue de la moralité publique, le Patronage du Père Croizier, le cercle de la Jeunesse protestante, l’œuvre admirable du Père Jésuite X… qui consiste à fournir aux ouvriers qui le désirent un lopin de terre pour y récolter leurs légumes et leurs pommes de terre ; la Société des conférences populaires fondée en 1896 sur l’initiative de M. Bernard, inspecteur d’Académie, et qui, cet hiver, a fait donner, à l’Hôtel de Ville et dans les écoles des divers quartiers, des causeries et des conférences très suivies, et enfin la Société des logements économiques.

Cette société, de création récente, a déjà fait construire un immeuble, dont nous donnons la photographie, au quartier populeux du Soleil, et elle se préoccupe d’augmenter son fonds social pour mettre à la disposition des employés et des ouvriers de petites maisons avec jardin, salubres, à bon marché et payables par annuité. La Société des logements économiques est la fille aînée de la Société pour l’étude des questions économiques et sociales ; nous sommes convaincu qu’elle ne restera pas fille unique.

L’alcoolisme. — Il est regrettable que, dans une région comme celle de Saint-Étienne, on ne se préoccupe pas davantage de ces œuvres de relèvement et d’apaisement social. La population ouvrière est sage, économe, laborieuse, réfléchie. L’épargne est une de ses qualités maîtresses. Mais depuis quelques années les habitudes d’intempérance qui sont communes, du reste, à la bourgeoisie et à la classe ouvrière, s’accentuent. Plusieurs directeurs d’usine et ingénieurs m’ont écrit que les cas d’intempérance se multipliaient. Qu’on se reporte au tableau ci-joint, on ne manquera pas d’être péniblement affecté en constatant que le nombre de débits de boisson [368] est pour Saint-Étienne de 2.000, c’est-à-dire 1 pour 65 habitants en augmentation de 214 sur celui de 1880 et que la consommation de l’alcool a passé de 5.113 hectolitres en 1886 à 6.333 hectolitres en 1895, ce qui fait 6,21 L d’alcool pur ou 18,63 L de liqueurs ou d’eau-de-vie d’usage d’après le procédé qui veut que l’on multiplie par trois la quantité d’alcool pur pour avoir la quantité exacte d’alcool de consommation ordinaire. Et il ne faut pas oublier que dans ces chiffres ne figurent pas les alcools de contrebande qui doivent représenter la moitié de la consommation, dans tous les cas un bon tiers. Il ressort également de ce tableau qu’il faut regarder désormais comme une légende la théorie qui consiste à dire que le vin est l’ennemi de l’alcool. Dans la région stéphanoise la consommation du vin est plus élevée que partout ailleurs, en France, et cependant la consommation de l’alcool atteint un chiffre exorbitant. Or, si l’on songe à tous les vices qui sont les compagnons inséparables de l’alcoolisme, on comprendra qu’il y a urgence à se préoccuper de la situation morale et sociale de l’ensemble de la population de la région de Saint-Étienne. Cette population serait accessible à tous les sentiments généreux qu’on essayerait de lui inculquer. Mais, il faut bien le reconnaître, la classe ouvrière est moralement abandonnée et ceux qui appartiennent aux classes non pas dirigeantes mais responsables se tiennent systématiquement à l’écart. Ce n’est pas la bonne volonté qui leur manque, mais la difficulté qu’ils ont à comprendre les ouvriers et à se faire comprendre d’eux. Et cependant nous croyons fermement qu’une entente est possible et qu’il y a chez les ouvriers, comme chez ceux qu’on appelle improprement les bourgeois, un ensemble d’aspirations et de qualités qui s’harmoniseraient admirablement si ces aspirations et ces qualités étaient mises en contact. Mais peut-être est-ce à ceux qui ont beaucoup reçu qu’il appartient de donner beaucoup, c’est-à-dire de faire les premiers pas en vue d’un rapprochement qui aurait pour résultat de faire disparaître bien des malentendus et de créer un nouvel état d’esprit, une nouvelle mentalité

[page hors-texte]

Situation économique et sociale du bassin houiller de la Loire.

Photographie Ch. Rousseau et E. Gardon

Type d’une maison économique, au Soleil.

[369] chez les patrons et chez les ouvriers qui se manifesterait par une confiance réciproque et qui aiderait à l’avènement d’un état de choses dans lequel l’association ou la coopération pour la vie remplacerait la lutte pour l’existence.

L. COMTE.

[370]

Consommation des vins, bières et alcools, dans le département de la Loire, de 1886 à 1895 inclus.

Années……………

1886

Hectolit.
1887 Hectolit. 1888 Hectolit. 1889 Hectolit. 1890 Hectolit. 1891 Hectolit. 1892 Hectolit. 1893 Hectolit. 1894 Hectolit. 1895 Hectolit. NOMBRE de débits de boisson
1880

1895

VINS

St-Étienne 213.315 217.393 234.992 269.184 268.150 262.996 275.620 286.236 200.356 304.354 1.790 2.004
St-Chamond 23.480 22.732 23.156 24.874 26.305 28.627 31.765 34.803 35.070 35.971 189 258
Firminy 16.936 17.293 19.164 21.838 23.981 25.617 28.769 30.513 32.487 31.301 123 253
Rive-de-Gier 21.334 19.543 20.994 20.554 22.313 23.720 27.059 29.873 30.808 29.848 247 276
Pélussin 5.698 5.210 3.620 3.572 4.360 7.293 9.189 10.132 11.116 11.070 125 151
St-Bonnet 9.571 10.300 10.681 11.358 12.599 13.069 13.921 17.754 22.928 22.863 230 265

ALCOOLS

St-Étienne 5.113 5.626 5.738 6.360 6.787 6.496 7.252 7.121 6.101 6.333
St-Chamond 761 721 716 750 817 852 912 910 789 747
Firminy 594 602 686 750 865 881 1.016 929 874 814
Rive-de-Gier 442 438 472 452 524 496 558 546 451 499
Pélussin 193 192 199 224 226 214 213 190 161 162
St-Bonnet 390 367 374 366 412 450 440 446 468 418

BIÈRES

St-Étienne 7.010 7.480 7.256 8.090 8.586 10.063 9.355 10.043 9.570 8.645
St-Chamond 986 900 861 820 997 1.032 1.175 1.368 1.092 1.349
Firminy 544 551 569 660 821 760 797 896 743 944
Rive-de-Gier 590 450 542 560 584 595 593 582 427 549
Pélussin
St-Bonnet 159 100 15 236 24 34 73 47 78 162

POPULATIONS

St-Étienne

123.213

117.875

133.433

St-Chamond

14.149

14.383

14.599

Firminy

13.707

13.992

14.502

Rive-de-Gier

16.816

14.304

12.960

Pélussin

15.673

15.230

14.952

St-Bonnet

2.386

2.375

2.311

Je dois ce tableau à l’amabilité de M. Guy, le très distingué directeur des contributions indirectes.

[1] Les principales industries du bassin houiller de la Lore sont : l’industrie de la soie qui occupe environ 30.000 métiers ; la houille avec 18.000 ouvriers ; la métallurgie avec 25.000 ; l’armurerie avec 10.000 et la verrerie avec 1.300.

[2] La Chambre de Commerce de Lyon est toute libre-échangiste, mais le groupe de fabricants dit « Association de la soierie lyonnaise » ne cache pas ses idées protectionnistes. Il faut lire dans le Bulletin des soies et des soieries de 1985 la lutte ardente qui éclata entre ces deux honorables corps au sujet des pourparlers engagés entre la France et la Suisse pour se rendre compte que Lyon n’est plus le Manchester français.

[3] Bureau de la Société : Président, M. Louis Jury ; vice-présidents : MM. Bodart, Gillet François, Saignol, Cl. Épitalon ; secrétaire-trésorier : G. Lefebvre.

La cotisation est de 5 francs par an.

Les réunions ont lieu : à Saint-Étienne, chez M. Danancher, place de l’Hôtel-de-Ville, 13 ; à Saint-Chamond, hôtel du Lion d’Or, rue de la République, 80.

Principales questions discutées : Questions douanières par M. le professeur Beauregard. – Les agriculteurs et la protection (MM. Simon Berne et Comte). – Les grands magasins et le commerce de détail (M. Jury). – L’émigration française et le commerce extérieur de la France (M. Burelier). – La liberté de tester (M. Coste). – La Banque de France (M. Bodart). – Les habitations ouvrières (M. Mazodier). – Conseils d’arbitrage et de conciliation (M. Comte). – La baisse du taux d’intérêt est-elle un bien ou un mal ? (M. Bodart). – Que faut-il penser de l’assurance obligatoire ? (M. Jury). – Les habitations économiques (M. de Billy). – Les conséquences économiques de la baisse du métal argent (M. Bonniot). – Du socialisme d’État et de l’assurance obligatoire (M. P. Tézenas du Montcel). – De la responsabilité des accidents du travail (M. Prénat). – Le juste salaire (M. l’abbé Gonnet). – La question monétaire (M. Fougeirol, député). – La question monétaire (M. Saignol). – Le collectivisme (M. Comte). – Le travail (Yves Guyot). – Des conditions du progrès social (M. A. Leroy-Beaulieu). – L’impôt sur le revenu (M. Peuvergne). – La crise du revenu (M. Cheysson).

[4] La Bourse du Travail a été créée le 16 mars 1889 par le Conseil municipal. Les frais de premier établissement se sont élevés à 13.000 francs. La Ville fait une subvention annuelle de 22.600 francs qui se décompose comme suit :

Frais d’administration : 8.300

Loyer de l’immeuble : 9.500

Indemnités aux professeurs chargés des cours professionnels : 4.800

Total : 22.600

La Bourse du Travail est administrée par une délégation composée de deux membres par Syndicat. La réunion de tous ces délégués prend le nom d’Administration générale. Elle se décompose ensuite en autant de Sous-Commissions que l’exigent les besoins du service.

Elle doit justifier de l’emploi de ce budget au Conseil municipal.

Dans le but de développer l’instruction professionnelle parmi les ouvriers, l’Administration de la Bourse du Travail a organisé des cours théoriques et pratiques pour chaque spécialité de métiers.

En voici l’énumération avec le nombre moyen d’élèves qui les ont suivis durant le mois d’avril 1896 :

Cours pour lingerie : 51 élèves.

Coupe et essayage, couturières : 62 —

Cours d’arithmétique : 17 —

Coupe et essayage, tailleurs d’habits : 14 —

Géométrie et dessin mécanique : 16 —

Dessin mécanique, linéaire : 19 —

Géométrie et dessin du bâtiment : 17 —

Cours de filetage pour tourneurs : 15 —

Cours de mise en carte (tissage) : 15 —

Cours de chaudronnerie : 19 —

Cours de carrosserie : 10 —

Cours de repassage : 52 —

Total : 307 élèves.

Le cours de trait de charpentier avait terminé ses séances à la fin mars.

Un Comité composé de deux délégués par syndicat adhérent et par deux secrétaires permanents ayant chacun 2.000 francs d’appointements administre la Bourse du Travail.

Les Sociétés de secours mutuels sont admises à la Bourse, mais ne participent pas à l’administration.

La Bourse du Travail a créé : 1° un bureau de placement gratuit qui a donné en 1894 les résultats suivants : demandes 1.355 ; offres 697 ; placements à demeure 553.

[5] Il est difficile d’indiquer même approximativement le gain annuel moyen des passementiers. Ils travaillent aux pièces et le prix des façons est très variable et dépend d’une foule de causes secondaires. En tout cas, depuis quelques années, l’ouvrier passementier, c’est-à-dire celui qui n’a pas de métier et qui travaille soit dans de grandes fabriques, soit chez le petit patron, ne doit pas avoir un salaire annuel moyen de plus de 1.000 francs et beaucoup, à coup sûr, n’atteignent pas ce chiffre. Quant aux petits patrons propriétaires de deux ou trois métiers, leur gain est dérisoire et après avoir payé leurs frais généraux, relativement très élevés, ils ne parviennent pas toujours à nouer les deux bouts et cependant ils poussent l’économie jusqu’à la parcimonie.

[6] Voici quelques chiffres qui indiqueront les salaires des ouvriers métallurgistes. Nous n’indiquons le nom des usines que par des lettres :

A. Dans cette usine, située dans la vallée du Gier, le salaire quotidien moyen est de :

5 fr. 25 pour les ajusteurs ;

4 fr. 75 pour les tourneurs ;

4 fr. 50 pour les burineurs ;

3 fr.  » pour les manœuvres ;

5 fr. 25 pour les forgeurs ;

6 fr. 25 pour les chauffeurs ;

6 fr. 25 pour les marteleurs ;

3 fr. 25 pour les frappeurs.

Le nombre annuel moyen des journées faites par les ouvriers de cette usine, dans les cinq dernières années, est de 209.

B. Les mêmes chiffres nous sont fournis par une importance maison de Saint-Étienne :

5 fr. 25 pour les ajusteurs ;

4 fr. 75 pour les machines-outils ;

5 fr. 25 pour les mouleurs ;

5 fr. 75 pour les modeleurs ;

5 fr. 75 pour les tourneurs ;

4 fr. 75 pour les chaudronniers ;

5 fr. 50 pour les forgeurs ;

3 fr.  » pour les manœuvres ;

Dans les cinq dernières années, le nombre annuel moyen des journées faites par les ouvriers de l’usine B… a été de 290.

D’autre part, les deux tableaux qui suivent seront intéressants à consulter. L’un concerne l’usine C. située à Saint-Étienne, l’autre l’usine E. située dans la vallée de l’Ondaine :

  Salaire quotidien moyen
C.Charpentiers5f50
 Modeleurs5,90
 Maçons5,50
 Chaudronniers5,75
 Forgeurs9  »
 Frappeurs4,15
 Machinistes4,70
 Puddleurs10,50
 Chauffeurs6,50
 Garçons de fours5  »
 Hommes des trains5,80
 Lamineurs9,80
 Mouleurs5,25
 Fondeurs7,50
 Ajusteurs5,15
 Tourneurs5,25
 Raboteurs et mortaiseurs4,25
 Burineurs4,15
 Manœuvres3,70
 Apprentis2  »

Le nombre annuel moyen des journées a été dans cette usine de 312 par ouvrier.

  Prix minimumPrix maximum
E.Apprentis1f252»
 Manœuvres2,753,50
 Forgerons4,508  »
 Frappeurs2,503,50
 Fondeurs8  »12  »
 Aides-fondeurs5  »7  »
 Étireurs, corroyeurs, ressueurs8  »12  »
 Aides-étireurs, aides-corroyeurs, aides-ressueurs3  »4,50
 Marteleurs5  »8,25
 Aides aux pilons3  »4,50
 Lamineurs6  »8  »
 Aides-lamineurs3  »4,50
 Puddleurs et cingleurs9  »10  »
 Chauffeurs3,107  »
 Machinistes3  »5,50
 Ajusteurs3,506,25
 Tourneurs3,506  »
 Mouleurs et ébarbeurs3,505,50
 Menuisiers, charpentiers, modeleurs, maçons, briquetiers et creusetiers3,505,50
 Cisailleurs, burineurs, casseurs de fer et meuleurs3  »4,50

Le nombre annuel moyen des journées faites par les ouvriers de cette usine, dans les cinq dernières années, a été de 290 environ.

[7] Ainsi on est surpris de constater que les métallurgistes qui, dans le bassin houiller de la Loire, sont au nombre environ de 25.000 n’ont que 9 syndicats et 2.129 syndiqués. À Firminy, par exemple, sur 4.000 métallurgistes le syndicat fondé en 1890 n’avait, en 1895, que 25 membres et depuis il n’a pas augmenté. Au Chambon-Feugerolles, les ouvriers en limes syndiqués sont 200 ; à Rive-de-Gier, les métallurgistes syndiqués étaient relativement très nombreux il y a encore un an – 1.140 membres – mais il s’agit là de membres purement nominatifs, dont la plupart ne paient pas leur cotisation et qui sont restés inscrits après la grève de 1893. À Saint-Chamond, les syndiqués sont à peine 250 sur 4 ou 5.000 ouvriers ; enfin, à Saint-Étienne, les syndicats qui groupent les ouvriers métallurgistes des différentes parties ont au maximum 280 membres.

[8] Incontestablement, après les verriers, les mineurs sont les ouvriers les mieux disciplinés. Toutefois il ne faut pas se faire d’illusion, leurs syndicats n’existent guère que sur le papier, à l’exception de celui de la Grand’Croix dont les membres s’élèvent au nombre de 595.

Le syndicat de Rive-de-Gier a 45 membres, celui de Firminy 250, celui de La Ricamarie 40, celui de La Talaudière 480, de Saint-Chamond 80, la chambre syndicale de la Loire en accuse 1.000, celle des mineurs du Quartier-Gaillard 300, l’Association des Mineurs pour la défense de leurs droits 150 ; soit sur 18.000 mineurs un total de 2.470 syndiqués inscrits, sur lesquels la moitié ou le tiers à peine payent leur cotisation mensuelle.

[9] On lira avec intérêt les chiffres que nous avons soigneusement collationnés pour établir le salaire quotidien de chaque catégorie d’ouvriers.

1re Compagnie :

Piqueurs5f40 à 6f30 suivant les puits
Boiseurs4,50 à 5,80 —
Chargeurs, rouleurs, toucheurs4  » à 4,25 —
Enchaîneurs4,33 à 4,60 —
Cantonniers4,40 à 5  » —
Mineurs au rocher4,10 à 5,60 —
Remblayeurs4  » à 4,60 —
Machinistes4  » à 5,65 —
Receveurs2,75 à 3,25 —
Forgeurs et charpentiers3,50 à 4,50 —
Benniers5  » à 6,25 —
Manœuvres2,75 à 3,25 —
Carrières à remblais3,30 à 3,70 —
Trieurs et trieuses1,25 à 1,80 —

Dans cette Compagnie, le nombre moyen des journées d’extraction a été, en 1892, de 287 journées ; en 1893 de 281 ; en 1894 de 259 ; en 1895 de 278 ; en 1896 de 285.

2e Compagnie :

On remarquera que dans ce cas il s’agit du salaire moyen.

Gouverneurs6f30
Piqueurs5,89
Boiseurs4,98
Mineurs4,18
Rouleurs et divers4,01
Remblayeurs3,98
Extérieur :
Machinistes4 »
Receveurs3,47
Forgeurs3,92
Benniers4,07
Manœuvres divers3,46

Dans cette Compagnie, il n’y a pas eu de chômage.

3e Compagnie :

Il s’agit encore ici d’un salaire quotidien moyen

Intérieur :
Gouverneurs6f634,984,45
Piqueurs5,81
Boiseurs5,44
Rouleurs4,19
Traîneurs
Palefreniers
Toucheurs
Remplisseurs
Tourniquetaire
Remblayeurs3,99
Mineurs5,52
Manœuvres4,78
Extérieur :
Machinistes4f103,15
Receveurs3,22
Manœuvres aux remblais3,52
Forgeurs3,85
Benniers et charpentiers4,17
Trieurs de pierres et grêleurs2,28
Divers3,67

Le nombre annuel de journées faites par les ouvriers, en 1892, a été de 295 ; en 1893, de 294 ; en 1894, de 291 ; en 1895, de 296 ; en 1896, de 297.

[10] Sans doute, les salaires ont suivi, depuis 50 ans, une marche ascendante, mais cette progression n’a pas été en rapport avec l’augmentation du prix des objets de consommation et surtout avec la multiplicité des besoins, comme on le verra en parcourant le tableau ci-après dont l’exactitude est rigoureuse. On verra surtout que, depuis les nouveaux traités de commerce, les salaires sont restés stationnaires et dans un sens ont diminué, puisque aujourd’hui on fait une retenue beaucoup plus forte qu’avant pour constituer les Caisses de secours.

Variations successives des salaires des ouvriers mineurs.

ANNÉESJournée moyenne

Journée moyenne

tous ouvriers compris

Au fondAu jour
18403f302f203»
18543,402,253,10
18623,602,403,40
18683,922,453,58
18694 »2,553,68
18744,552,754,03
18884,712,854,08
18914,723,254,23
18944,803,284,26

[11] Il serait intéressant d’étudier les conséquences des grèves au point de vue de la classe ouvrière. L’espace nous manque pour cela, mais il nous paraît hors de toute contestation – et c’est aussi l’avis d’hommes compétents et haut placés dans l’industrie de la houille – que dans la région de Saint-Étienne les grèves ont été favorables aux mineurs et ont amené tantôt une augmentation de salaire, tantôt une augmentation du taux de la pension de retraite, tantôt une diminution des heures de travail, tantôt d’autres avantages comme le chauffage, etc., etc.

[12] Comme exemple de cette façon de procéder, citons les Fonderies et Aciéries de Saint-Étienne. La Caisse de secours de cette usine, largement subventionnée par la Compagnie, donne 2 francs par jour plus 25 centimes par enfant au-dessous de 16 ans à ses participants malades.

Les blessés, quelle que soit leur responsabilité dans les accidents, touchent pendant dix mois la même allocation qui leur est versée sur des fonds uniquement fournis par la Compagnie.

Les ouvriers âgés qui ne peuvent pas travailler et qui en font la demande, reçoivent, à titre de secours renouvelable, une somme équivalente aux rentes servies par d’autres Compagnies. Mais il paraît que ces demandes se font rares. Les vieux ouvriers préférant conserver dans l’usine un travail à la portée de leurs forces, travail que la Compagnie cherche à leur procurer.

L’usine Biétrix, Nicolet & Cie offre le type de cette seconde catégorie. En cas d’accident, elle paye le médecin et les remèdes ; l’assurance qu’elle contracte pour ses ouvriers garantit à ceux-ci, en cas d’accident, la moitié de leur salaire ; en cas de maladie les ouvriers sont visités et on leur procure des secours matériels suivant leurs besoins ; aux vieillards on procure un emploi en rapport avec leurs forces et quand ils ne peuvent plus remplir ces emplois on leur continue des secours matériels et moraux.

Les forges de Couzon ont adopté à peu près le même système. En cas de maladie, les ouvriers reconnus nécessiteux touchent de 40 à 60 francs par mois. Pour les accidents, un contrat passé avec une Société d’assurance et dont la prime est payée moitié par les ouvriers et moitié par les patrons, garantit aux blessés la moitié de leur journée et les frais de médecin et de pharmaciens sont gratuits. En cas de vieillesse, les ouvriers touchent une pension et 300 à 600 francs par an suivant les services rendus.

[13] Nous donnons le résumé de ce qui se fait, à ce point de vue, dans deux usines qui ont adopté cette manière de procéder.

Usine X…

Une indemnité journalière de 1 fr. 50 est allouée aux ouvriers malades ou blessés et on complète le plus souvent, pour ces derniers, les journées de maladie, en tenant compte après reprise du travail, de la différence de l’indemnité avec le salaire quotidien, c’est-à-dire comme si l’ouvrier n’avait pas chômé.

Le pain est donné gratuitement aux familles des ouvriers nécessiteux, soit l’assistance de ce fait accordée à 80 familles environ.

La cotisation mensuelle de 1 fr. 50 des ouvriers pour couvrir les dépenses afférentes à la caisse de secours est insuffisante. Cette cotisation représente à peine la moitié de ces dépenses, soit une somme annuelle d’environ 35.000 francs que la Société prend à sa charge.

Les ouvriers malades et blessés reçoivent gratuitement les soins médicinaux et les médicaments.

Les familles reçoivent également les médicaments et les visites à prix réduits des docteurs attachés à notre service médical.

La Société prend à sa charge les frais de séjour dans les hôpitaux, les opérations chirurgicales, ainsi que les consultations de médecins spécialistes, quand leur intervention est jugée nécessaire.

Enfin, dans les cas d’accidents graves, entraînant l’incapacité de travail ou même la mort, la Société est assez large pour que le règlement de ces affaires ne donne pour ainsi dire jamais lieu à contestation.

Pour aider, dans la mesure du possible, les ouvriers à supporter le chômage causé à ceux atteints par la vieillesse, il a été institué un fonds de prévoyance, alimenté exclusivement par les ressources de la Société.

Ce fonds de prévoyance qui a été doté par la Société d’une somme de 500.000 francs est crédité de l’intérêt à 5 % par an, plus d’une somme équivalente à 1 fr. 50 % des salaires qui se montent annuellement à environ 3.000.000 de francs pour 2.200 ouvriers employés.

La Société donne ainsi, et actuellement, des pensions variant de 365 francs à 1.200 francs à environ 80 des anciens ouvriers et contremaîtres.

L’autre maison a une organisation analogue, bien qu’elle affecte une forme quelque peu différente.

Usine Y…

Caisse de secours organisée et administrée par les ouvriers eux-mêmes.

L’usine verse une subvention annuelle.

Les ouvriers paient par mois, 1 fr. 15, 1 fr. 75 et 2 fr. 35 suivant leurs salaires, et touchent par journée de maladie 1 franc, 1 fr. 50 et 2 francs ; ils ont les soins d’un médecin désigné par eux, les blessés seuls ont droit aux médicaments.

2° Caisse des enfants malades, fondée par Mme X…, pour les ouvriers nécessiteux : soins d’un médecin et médicaments.

3° Caisse de retraites assurant aux ouvriers ayant 55 ans d’âge et 30 années de service, une pension annuelle de 300 à 600 francs.

Les ouvriers incapables de travailler avant d’avoir rempli les conditions ci-dessus reçoivent des secours mensuels.

Les ressources de cette caisse sont fournies, moitié par les revenus des sommes léguées par Mme X… et M. L…, et l’autre moitié par les patrons de l’usine.

Cette organisation fonctionne depuis 1890 et nous a permis de retraiter 26 ouvriers et d’en secourir 10.

4° Caisse des veuves d’ouvriers, fondée par Mme X… en 1877, par une rente annuelle de 2.000 francs, et augmentée par M. L… qui a bien voulu faire un legs de 120.000 francs à cette œuvre.

Ces ressources nous ont permis de secourir, de 1877 à ce jour, 135 veuves ; nous en avons actuellement 58 qui reçoivent de 5 à 12 francs par mois suivant leurs charges de famille.

[14] Pour se rendre compte exactement de la situation faite aux mineurs par suite de la loi du 25 juin 1895 et des mesures prises en leur faveur par les Compagnies, nous citerons l’organisation adoptée dans trois grandes exploitations que nous désignerons par des numéros.

Compagnie n°1

Caisse de secours et de retraite. — La Compagnie donne des secours aux ouvriers blessés, aux veuves et aux enfants des ouvriers tués et des pensions aux vieux ouvriers, sans rien retenir sur les salaires. Une retenue de 3 %, qui s’opérait autrefois, a été supprimée à partir du 1er janvier 1873.

Depuis le 1er juillet 1872, les soins des médecins et les médicaments étaient accordés, à titre gratuit, aux ouvriers et à leurs familles. Depuis le 1er juillet 1895, date de l’application du 29 juin 1894, la Compagnie n’a plus à sa charge directe que le service des blessés ; les malades sont secourus par les Sociétés de secours mutuels instituées par cette loi et qui reçoivent de la Compagnie un versement égal à la moitié du prélèvement fait sur les salaires.

Il est alloué à l’ouvrier blessé un secours de 1 franc par jour, plus 25 centimes pour chaque enfant âgé de moins de 12 ans.

Il est alloué à la veuve de tout ouvrier mort par suite d’accident un secours de 75 centimes par jour si elle a moins de 50 ans et de 1 franc par jour au-delà de 50 ans ; plus 25 centimes pour chaque enfant âgé de moins de 12 ans.

Il est alloué aux orphelins de père et de mère, dont le père est mort par suite d’accident, 50 centimes par jour jusqu’à 16 ans.

Les funérailles des ouvriers morts par accident et de leurs veuves mortes en jouissance de la pension sont payées par la Compagnie.

Les pensions de retraites sont allouées conformément au règlement ci-joint.

Une Caisse de prévoyance a été instituée en faveur des employés. Cette Caisse reçoit chaque année de la Compagnie et place en rente française 3 % , au nom de chaque employé, une somme qui autrefois était égale au dixième de ses appointements ; depuis l’application de la loi du 29 juin 1894, la Compagnie verse de ses deniers 4 % du traitement de l’employé à la Caisse nationale de retraites et place le reste, soit 6 % en rente française 3 % au nom de l’employé.

Depuis l’application de la loi du 29 juin 1894, la Compagnie n’est plus chargée des secours aux malades ; ces secours sont donnés par les deux Sociétés de secours mutuels de Firminy et de Roche-la-Molière, qui reçoivent de la Compagnie une subvention fixée par ladite loi.

Quand aux pensions de retraites, la Compagnie a informé son personnel que rien ne serait changé pour les ouvriers et employés qui opteraient pour sa Caisse de retraites, conformément à l’article 25 de la loi. Presque tous les ouvriers qui étaient en cours d’acquisition de la pension de retraite de la Compagnie le 1er juillet 1895 ont fait cette option.

Compagnie n°2.

Depuis 1869, la Compagnie avait organisé une Caisse de secours qui allouait 1 franc par jour aux malades, 1 franc par jour aux blessés et 25 centimes pour chaque enfant âgé de moins de 12 ans, une pension de 365 francs par an aux ouvriers infirmes par suite de blessures et 25 centimes par enfant au-dessous de 12 ans ; si l’ouvrier venait à mourir par suite de ses blessures, sa veuve avait droit à une pension annuelle de 220 francs si elle ne se remariait pas. Enfin la Compagnie avait organisé en commun avec les Sociétés de Montrambert, des Houillères de Saint-Étienne, de Villebœuf et de La Péronnière une Caisse de retraite aux conditions suivantes : tout ouvrier arrivé à l’âge de 55 ans avait droit à une pension annuelle de 300 francs s’il avait au total 30 ans de service dans les Compagnies associées ; cette pension s’augmentait de 25 francs par année de service supplémentaire à partir du moment où il remplissait la double condition d’avoir au moins 55 ans d’âge et 30 ans de service dans les cinq Compagnies associées.

La loi du 29 juin 1894 a mis en liquidation les Caisses de secours organisées par les exploitants ; elle lui a substitué des Sociétés de secours mutuels pour les malades ; la loi n’a rien prévu pour les blessés ; en ce qui concerne les retraites, elles seront servies à l’avenir par la Caisse nationale des retraites moyennant un versement de 4 % du salaire fourni moitié par l’exploitant moitié par l’ouvrier.

La loi du 29 juin 1894 n’ayant assuré aucune allocation aux blessés, la Compagnie continue, à titre gracieux, à leur donner les mêmes secours qui étaient payés autrefois par la Caisse de secours de la Compagnie.

L’ancienne Caisse de secours de notre Compagnie était alimentée par une retenue de 3 % sur les salaires et par une subvention de la Compagnie qui atteignait environ 100.000 francs par an.

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